Les marocains « ce pays n’avancera jamais » !

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Docteur Jaouad MABROUKI.

TRIBUNE. Tout petit déjà, j’entendais les marocains dans un état de colère et de déception, répéter le même propos « Ce pays ne changera jamais ». Des dizaines d’années se sont écoulées et j’entends pourtant encore cela.

Le même constat est évidemment fait par tous les marocains. Ce constat qui ne cesse de se refaire des millions de fois au fils du temps et qui est toujours d’actualité, laissant le marocain frustré et violenté, et qui peut se résumer facilement dans les points suivants :

  • L’anarchie dans les constructions, bidonvilles, quartiers populaires sans respect des règles.
  • Le mauvais état des routes.
  • Les trottoirs souvent dangereux pour les piétons et envahis par les cafés, les restaurateurs, les bouchers, les mécaniciens, les menuisiers, les marchands de légumes, les épiceries et les cages des bouteilles de gaz pour ne citer que cela.
  • La saleté des rues et le trop de poussière.
  • Les mendiants à tous les coins de rue.
  • Le parcours de combattant pour obtenir des papiers dans les administrations publiques.
  • Les citoyens irrespectueux par leur comportement, leur saleté, leur mauvaise odeur.
  • La mauvaise prise en charge dans les hôpitaux et l’absence de couverture médicale.
  • L’extrême pauvreté et l’extrême richesse.
  • L’injustice.
  • La corruption.
  • Les moyens de transports lamentables.
  • L’absence de la liberté individuelle et de la justice sociale.
  • La situation désastreusedes milieux ruraux.
  • La dégradation de l’enseignement et les écoles à deux vitesses.
  • Le chômage.

Bref. Un constat où la dignité du citoyen est complètement bafouée et qui se résume dans l’expression de colère du marocain « Ce pays ne changera jamais » !

Ainsi je m’interroge « Jusqu’à quand ce constat va-t-il se refaire et être répété de façon continuelle ? ». Habituellement une fois qu’un constat est fait, nous devons passer à l’étape suivante, qui est celle du traitement et de la correction.

Pourquoi donc le marocain est-il coincé à l’étape du constat sans pouvoir passer à l’étape suivante, celle du traitement?

J’ai alors noté plusieurs raisons que je vais essayer d’élucider ci-dessous :

  1. La soumission et l’absence du sens de responsabilité

Tristement, le SPSR ou système éducatif parental, scolaire et religieux, n’apprend pas au marocain le sens de la responsabilité et son devoir vis-à-vis de lui-même et de ses semblables. Il ne se sent alors pas acteur dans le développement de son quartier, de sa ville et de son pays.

Le SPSR s’appuie uniquement sur le mécanisme de « l’obéissance aveugle », sans remettre en question l’autorité parentale, l’autorité de l’enseignant (représentant du gouvernement), et l’autorité religieuse (représentant de Dieu). Le marocain est donc configuré et conditionné à l’obéissance et il n’apprend pas et n’intègre pas le sens de la responsabilité. De ce fait, il ne participe pas au changement et au progrès du pays et se contente d’être consommateur et spectateur.

  • La peur et la malédiction

Le marocain est terrorisé par le pouvoir dictatorial du SPSR, car s’il n’obéit pas, il risque d’être maudit par les parents, par son école, par Dieu et d’être puni sur terre (une vie marquée de malheurs)  et après sa mort (l’enfer). Cette peur terrorisante ancrée dans le cerveau du marocain fait de lui un être anxieux, obéissant pour survivre et angoissé par une peur imaginaire qui le paralyse.

  • Une personnalité brisée

Le SPSR détruit totalement  la personnalité du marocain. Depuis sa naissance, il évolue dans une niche sensorielle insécure où la violence est constante (victime de violence verbale, physique, violence conjugale et familiale). Par la suite il arrive à l’école, où il est victime de la violence du découragement et souvent physique (victime du système des notes, de la rivalité et de la comparaison). Mais il est aussi victime de la violence religieuse qui le menace de la malédiction si toutefois il désobéit à ses parents, à Dieu (autorité religieuse) et à son gouvernement (le commandeur des croyants). Tous ceci remodèle l’architecture de son cerveau pour faire de lui un obéissant angoissé et terrorisé.

  • La violence religieuse

L’autorité religieuse n’encourage pas le marocain àparticiper  au développement de ses capacités intellectuelles. La religion conditionne le marocain à être obéissant et à être constamment dans la recherche de la bénédictionDivine afin d’éviter l’enfer. Évidemment, la religion enseigne que sur terre il y’a des représentants de Dieu à qui il ne doit en aucun cas désobéir, au risque d’être châtié dans cette vie et dans l’autre. Cette violence est alors profondément ancrée dans le cerveau du marocain et fait de lui un être terrorisé.

  • L’absence de l’esprit critique et de l’autonomie

En apprenant au marocain d’être un obéissant terrorisé et angoissé, le SPSR combat de toutes ses forces l’esprit critiqueconsidéré comme un monumental péché (par exemple critiquer les parents, Dieu ou la religion). Toutefois, sans esprit critique, il est impossible d’être autonome et donc d’être un citoyen adulte responsable.

Par conséquent, le marocain a raison d’affirmer que  « ce pays n’avancera jamais », car ses acteurs, ses citoyens sont paralysés.

Docteur Jaouad MABROUKI

Psychiatre, Chercheur, Expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe

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